mardi 27 janvier 2015

L'art en prisme


La fontaine de Trévi (1762) a perdu sa sirène, et l'enfant d'Aphrodite, parti au royaume des Dieux,  a rejoint le mont Olympe. Il reste le souvenir d'une scène de 7e Art,  devenue culte,  et le son d'une voix haut perchée qui,  depuis la variété, a su gagner le chœur des églises. Anita Ekberg -  83 ans-, et Demis Roussos (Αρτέμιος Βεντούρης Ρούσσος) -68 ans-,  ont donc quitté la scène, :laissant des images, ou des  chansons, qui savent encore émouvoir, même après leur disparition. Eau de fontaine, ou celle de" Rain and tears ", elles sont toujours  toutes deux  synonymes du temps qui défile:celui des chagrins durables et des joies passagères..
Et à la lumière des biographies, des témoignages post mortem, l'on peut s'interroger encore une fois sur l'impact de l'apparence dans la vie sociale et publique. Image de soi, image sublimée par le regard des autres, image renvoyée par les critiques, image projetée sur les écrans petits ou grands :  la star est vue à travers un prisme. Mais qu'il soit dispersif ou polariseur, il ne met en évidence qu'une seule facette de la personnalité.
Dans l'opinion  des professionnels du cinéma, en 1960,  .Anita Ekberg est ainsi passée de "iceberg " à "bombe anatomique suédoise" , en l'espace d'une projection de film ("La dolce vita " avec Marcello Mastroiani comme partenaire, musique de Nino Rota "La Bella Malinconica"). Si l'actrice a tourné quelques  autres films sous la direction de Federico Fellini, aucun  n'a égalé le succès de "La dolce vita". C'est dans ce célèbre film que le 1er "paparazzo" fait son apparition en tant que tel, on connaît la et les suite(s) ......
Comme un signe du destin, c'est à Rome qu'Anita a fini ses jours, plus que modestement, un peu oubliée par la presse et la profession,  après une carrière qui allait de l'année 1952 à l'année 2002.  Dans la fontaine où son ombre ne va  désormais cesser de jouer avec les jets malicieux, on lance encore  des piécettes par-dessus l'épaule, en faisant un vœu, et le carabinier de service empêche  les touristes de rejouer la scène d'Anita, même pour le temps d'un cliché. On ne copie pas un mythe.   
http://www.dailymotion.com/video/x2lkbw_dolce-vita_shortfilms

Demis Roussos, souvent associé à la Grèce, a connu cependant diverses influences ( égyptienne, française, anglaise, arabe, espagnole, gréco-byzantine...) qui lui ont permis d'évoluer sur la scène internationale avec une palette éclectique de chansons de variétés interprétées dans différentes langues. Derrière le simple interprète, chanteur à la voix immédiatement identifiable, il y avait aussi le musicien (guitare, trompette, basse, harpe). En groupe (We Five, The Idols (1961), Aphrodite's Child (1967)),  ou en solo (dès1971), Demis a mené sa carrière en suivant sa voie au gré des événements, des rencontres musicales (Boris Bergman, Vangelis, Lucas Sideras, Silver Coulouris, ...), avec un large éventail  allant des bases classiques lorsqu'il était choriste, au Gospel,  Folk, Pop, Rock, standards populaires de la chanson française, et même au chant sacré (Ave Maria) .
On estime à 60 millions le nombre de disques vendus en 50 ans de vie professionnelle. L'artiste à l'impressionnante stature,  a vécu en plusieurs endroits du globe, mais l'on retient pour mémoire son étonnante  demeure française  à Maison Laffitte, et celle de Voula en Grèce.   
Pour en savoir plus, lire  : 
http://www.demislegrec.com/francais/biographie.html
Pour revoir et réentendre Demis Roussos:
"It's five o'clock "
https://www.youtube.com/watch?v=bWKQyQ3aCpk

dimanche 25 janvier 2015

Foires et forains

" Au Roy appartient seul et pour le tout en tout son royaume et non à autre à octroyer et ordonner toutes foires et tous marchés" (ordonnance royale transmise par un lieutenant à la commune concernée)
Cf : Jean Combes "Les foires en Languedoc au Moyen-âge " (pages 231 à 259 - vol 13 - N°2 - 1958)
lire aussi : 
http://archives.brive.fr/Docs/BM212_juin2009.pdf
Attestées  vers le XIVe siècle,  dans le  Nord de la France, et relevant anciennement d'un droit régalien, les grandes foires marchandes ont une belle longévité dans l'hexagone. Selon les chiffres avancés par les communes (et par l'Histoire, dans certains manuscrits)  on annonçait, en 2014, une datation plus ancienne (le XIIe s.)  :
 Drouais: 835e édition ( foire fondée en 1179), à la même époque on cite également Troyes, Lagny parmi les plus fréquentées.
 Beaucroissant : 796e édition (foire fondée en 1219)
 Provins : 565e édition (foire fondée en 1450)
Plus au sud, les Foires méridionales : 
 Carpentras : 490e édition (foire fondée en 1525)
 Beaucaire: Foire internationale fondée en 1217, dite:  de Ste Madeleine.On y dénombra environ 120 000 visiteurs en 1769.

Bien évidemment,  on venait dans ces lieux pour faire des achats et des affaires. Mais ces rassemblements "économiques", qui pouvaient durer une à deux semaines,  étaient  prétextes également à des démonstrations, et des spectacles. Ainsi trouvait-on, sur les champs de foire, des bateleurs (jongleurs, montreurs d'ours, comédiens, acrobates..) pour distraire le public, montrer un certain savoir-faire, exhiber des sujets et objets inconnus, capables de susciter étonnement ou compassion. Ces manifestations se tenaient généralement sur les places publiques, dans le centre des villes,  ou sur un emplacement appelé "foirail". Quelques communes ont gardé, à travers les siècles,  le nom de ces endroits.
Lieux d'échanges, de ventes, de rencontres, on y retrouvait une autre ambiance que sur les marchés habituels (plus fréquents et présentant des produits locaux). On y venait de loin, parfois d'autres régions, on attendait cette occasion avec impatience et fébrilité, car elle ne se produisait qu'une fois l'an (sauf dans quelques villes comme à Lyon où se tenaient 4 foires /an). Généralement attachée à une période particulière, à un jour précis (exemple:  la St Michel, St Médard, St Louis, ou St André...  ), la Foire servait également de repère, par  la datation, pour traiter certains actes ou marquer le début ou la fin des travaux des champs (baux, impôts, récoltes, arrentements...). Il en est fait souvent  mention dans les archives de documents  notariés.

 Le Musée des Arts forains fondé par Jean-Paul Favard rend hommage à la mémoire du monde de la fête foraine, de ses attractions, de ses employés, et de ses artistes.
Nées au XIXe siècle, ces fêtes sont des continuités des  médiévales qui accompagnaient les foires marchandes. Les cabinets de curiosité (cf l'abbé Jean-Antoine  Nollet (1750))  en sont également l'origine.   L'itinérance comme mode de vie, la volonté de montrer des nouveautés, des technologies récentes, ont toujours été chevillées au milieu particulier de la fête foraine qui, par là même, dépasse le seul but de l'amusement du public.
Manèges, carrousels,  stands divers, confiseries, attractions sous chapiteaux, chenille, Mur de la mort,  train fantôme, lutteurs, hommes forts, petits chevaux de bois,  bateau pirate, autos tamponneuses, voyance, loteries,grappin à surprises, pêche au canard, grande roue, tir à la carabine, grand Huit, ...même si les noms des manèges changent au cours des décennies,  les animations,  les émotions, les  sensations,  sont les mêmes. On chahute, on rit, on crie, on joue à s'effrayer, pour quelques instants. Tous les publics, jeunes et vieux,  sont attirés par les flonflons, les lumières multicolores, les parfums des beignets, des pommes d'amour, des barbes à papa. On se presse donc, le plus souvent  en famille, ou en groupe d'amis,   pour déambuler sans autre souhait que celui de s'amuser,  entre les baraques de la foire, au son de musiques dominantes.  
Souvent décriée,  pour l'exhibition de  personnages  dits "phénomènes", la foire du XIXe s. (et même  jusqu'au début du XXe s en 1958, à Bruxelles), comme certains cirques,  employait des êtres souffrant de problèmes de poids (obésité) ,de taille (hyper ou hypo croissance), d'hypertrichose ou d'hirsutisme. Cette époque est bien révolue, les mentalités ont évolué, et la Loi  a veillé. 
On doit souligner que les premières avancées technologiques du XXe s. ont été, en partie,  popularisées  par leur présentation sur les champs de foire, au son des limonaires.   Ainsi en est-il des épreuves photographiques , des premiers films de cinématographe.
Considérée comme une véritable institution,  en 2013 la Foire du Trône (Paris) a fêté sa 50 e édition.
A signaler aussi :  la  Dippemess de Francfort (Allemagne), la foire de Mouscron (Belgique- du 20 au 29 mars 2015), la fête foraine de Brighton(Angleterre), la feria de Barcelone (Espagne- avril 2015), le célèbre parc du Prater à  Wien(- Autriche) où la fête foraine est permanente.




Pour en savoir plus :
Pierre Léon, Vie et mort d'un grand marché international. La foire de Beaucaire (XVIIIe-XIXe siècles)- 1953-
Marcel Campion et Catherine Gravil: D'où viens-tu, forain ? 
http://www.museedelamagie.com/h_pages/pedehef/expo_forain%20.pdf
http://www.linterforainonline.fr/pages/La_Foire_Saint_Laurent.php
http://www.arts-forains.com/

Free lance Writer 
Culture  Art  Patrimoine

pour B.H.


dimanche 18 janvier 2015

La marotte du bouffon

Depuis l'Antiquité (à Suse, Ecbatane, ... cf  Charles Magnin (1838)" Les origines du théâtre moderne, histoire du génie dramatique du 1er au XVIe s. "), la dérision a toujours été proche du pouvoir. Ainsi Momos (Μῶμος) était-il déjà près des Dieux de l'Olympe ! Le bouffon du roi, sans avoir de place enviable, avait néanmoins sa  fonction. Bien avant les Lénéennes grecques (fêtes Dionysiaques) où brillaient Phérécrate, Strattis, ou Cinésias, on trouvait auprès des monarques, des individus qui maniaient habilement la dérision. On mesurait souvent la grandeur d'un empire à l'impertinence  du propos tenu par le bouffon. Même si le rire était craint, donc  proscrit dans certaines sphères ( cf le film:  " Le nom de la rose"), le Moyen-âge n'a pas manqué à la tradition, et nombre de  ces amuseurs, à l'insolence mesurée,  ou hardie, ont une renommée qui a franchi les siècles allègrement, certains ont été les héros d'opéras, d’œuvres picturales,  ou de romans. Ainsi en est-il de Triboulet Langely, Gonnella, Rigoletto, Chalamala de Gruyère,.. Les bouffons médiévaux ajoutaient à leurs propos humoristiques de vrais tours d'adresse, de la jonglerie, à quelques tours de passe-passe, en passant par l'acrobatie.
Le rire étant le propre de l'homme, les bouffons se devaient d'avoir la répartie aussi spirituelle que rapide (et parfois cinglante). Mais les rois ne manquant pas, eux non plus,  de répartie,  les échanges sont parfois passés à la postérité. Ces traits d'esprit vif, signes flagrants d'intelligences affûtées, ont connu plusieurs périodes fastes : le XVIIe siècle, avec Louis XIV et son entourage de courtisans, le XVIIIe s.: celui des lumières... où il était de bon ton (et prudent) de manier le verbe à dessein, sous peine d'être évincé d'un cercle influent.

Le bouffon, au chapeau bicolore  à grelots,  et sa marotte (sceptre grotesque, prolongement du bras, servant à désigner) sont descendus dans la rue,  et souvent sont présents dans les Carnavals et Charivaris.
On les rencontre également sur des tableaux (Allemagne, Espagne,..),  dans des scènes de liesse populaire. A l'époque contemporaine ils sont devenus chansonniers, comiques, interprètes de on-man-show, .. L'artiste est reconnu derrière son masque d'amuseur public, car le talent est toujours là. L'individu s'adresse à tous,  sous des variantes multiples: satire, outrance, drôlerie, comique léger ou appuyé, grivoiserie, brocarde, contrepèterie, jeux de mots (au1er, 2e, ou 3e degré), caricature, sarcasme, moquerie, imitation, critique, aphorismes, burlesque, lazzis, ... Sous le verbe, la "patte " peut se faire plus ou moins pesante, allant de l'éraflure jusqu'à l'égratignure.. Elle peut être  également  dénonciatrice, et montrer du doigt. L'enjeu est:  la mesure dans la démesure.
Très tôt, le statut de bouffon, son rôle, son utilité,  dans les sociétés, sa liberté de ton,  ont été le sujet de maintes questions, et  ont donc fait l'objet d'études et de réflexions multiples.

Pour en savoir plus:  ouvrages, romans, essais,  thèses, ..:
Le rire (essai).  Henri Bergson 
L'éloge de la folie. Erasme

Bouffons des temps modernes : figures de bouffons dans le théâtre d'Alfred Jarry, Eugène Ionesco, Samuel Beckett, Roland Dubillard, Jean Tardieu, Michel de Ghelderode et René de Obaldia , par Benjamin Dang
Le bouffon sur la scène anglaise au XVIe s. Victor Bourgy
 
Sur ce même blog : 
 
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mardi 6 janvier 2015

Au royaume des collections

La survie de l'art est due aux créateurs, aux restaurateurs, aux commerciaux  professionnels,  mais avant tout aux passionnés. Sans maintes  actions conjuguées de sauvegarde,  objets, édifices, meubles, costumes, bijoux,  seraient dévolus aux oubliettes du temps, à la dévalorisation. Chaque époque de l'Histoire a connu ses courants de modes, périodiquement et immédiatement chassés par le suivant.. Moqués, raillés, reniés, car démodés, les divers  accessoires et les emblèmes, passent alors  à la trappe, ou sont relégués dans une malle de grenier, par des individus "fashion victims" impatients de répondre à l'appel des  sirènes de la nouveauté.   Puis, par un sursaut du nostalgique  mouvement "rétro" ,  ou dans un élan de lucidité, les vieilleries reprennent du service, on va même jusqu'à les copier..
Eternel recommencement, qui résume souvent la versatilité humaine !  Cependant certains amateurs irréductibles ont décidé de laisser libre cours à leur passion des collections. Ainsi, allant parfois à contre-courant avec leur temps, ils amassent des" trésors", glanés, chinés, dans les brocantes, les salles des ventes, au prix de sacrifices matériels (temps et argent), mais pour leur plus grande satisfaction. On entre alors dans une spirale qui va de la thésaurisation à l'échange. L'objet passe de mains en mains en des laps de temps variables. De l'autocollant à la capsule de bouteille, de l'étiquette publicitaire à la médaille de sport:  rien n'est banni ou honni, tout se collectionne. Alors, comment avoir le courage de se débarrasser de ce que l'on a tant eu de mal à obtenir, et que l'on a tant aimé? Cruel dilemme !  La nécessité, souvent, fait loi,  ou le simple passage d'un engouement à un autre.. Les collections privées ne sont pas toujours faciles à gérer, car  il faut, certes, quelques moyens financiers,  mais aussi de l'espace, du temps pour la recherche, afin de compléter la série par  de nouvelles pièces.  Si l'on n'est pas fixé sur un thème (les tableaux, les colifichets, les jetons,  les disques, les manuscrits, les livres rares, les BD,  ..) il est cependant nécessaire d'en cerner  un,  et de concentrer ses efforts sur un aspect de la collection: une période déterminée, un artiste précis, un courant d'expression artistique ciblé.

Tel un roi en son royaume de conte de fées,  le collectionneur jubile, et exulte,  lorsqu'il peut présenter sa collection. Il en parle avec verve, plaisir, et avec  cette passion caractéristique, qui est  souvent communicative. Certains de ces inconditionnels y consacrent toute une vie,  et acceptent même,  peu à peu, l'envahissement de leur espace résidentiel. Certes la  fierté d'avoir déniché la pièce rare justifie, aux yeux du collectionneur, l'intérêt , le temps et l'argent consacrés à la quête de l'objet. Pour le quidam insensible à la démarche, cela peut paraître futile. Or, dans bien des cas on peut reconnaître  une utilité  avérée,  dans cette activité considérée comme ludique, qui entre dans la catégorie des hobbies. Car, parfois on en fait un métier rentable  à part entière. Et, que l'on  devienne alors: antiquaire, brocanteur, conservateur, restaurateur... on est toujours amateur de beaux objets et de pièces rares ayant une histoire. En effet, derrière chaque spécimen se cache une anecdote, un dédale. Et l' on se plaît à remonter le temps à la recherche des lieux parcourus, des divers propriétaires successifs de l'objet. Souvent l'on est surpris  par la sensation de vivre, à travers ces épisodes, un vrai roman. Oui, on sait ce que l'histoire de l'art doit aux collectionneurs. Combien de  tableaux, de meubles, de tapis, de bijoux, dont on a retrouvé trace dans les salles de vente, ou les expositions de collections privées, ont pu être sauvés de la décrépitude, de la destruction, ou de l'oubli ?  Le patrimoine collectif est, certes,constitué par les  biens nationaux, mais les dispersions causées par les événements historiques en ont tronqué une fraction. Il arrive que l'on en retrouve quelques articles au détour de l'actualité, et, dans bien des cas, le hasard et la chance y ont leur part.
Autour des collectionneurs
quelques termes de Vocabulaire : 
Fabophile- (fèves). Numismate (monnaies). Canivettiste (images pieuses). Ptérophile (plumes d'oiseaux). Lithophiliste (pierres). Héraldiste (blasons). Philatéliste(timbres). Echéphile (jeux d'échecs)....
Salons :
9 et 10 janvier 2015 : 64e Cartexpo ( Paris) 
Février 2015 Salon Rétro Mobile (Paris)
22 fév 2015 : Alzon (Gard) 1ère édition d'une bourse multicollections (timbres, BD, cartes postales...)
 pour plus de renseignements: 
http://www.francecartophilie.fr/content/9-l-agenda-des-bourses-et-salons

                                                                                                                                          à J.D.

(2015: 3e année d'International Culture Blog)
176 articles parus, 31100 pages lues.
Merci à tous les lecteurs 

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