jeudi 19 avril 2018

Jean-Claude : gloire de la musique

Jean-Claude Malgoire a quitté le monde de la musique,  un jour d'avril 2018, il n'avait que 77 ans. De l'avis de tous, l'homme,  autant que l'artiste, a su allier tout au long de son existence :  talent,  altruisme, et professionnalisme.  Hautboïste (orchestre de Paris), chef d'orchestre, Jean-Claude Malgoire était musicien dans l'âme. Non empêtré dans des problèmes d'ego, il avait:  le sens de l'écoute de l'autre, l'attrait pour les talents nouveaux (ou à découvrir), la lucidité, et la franchise, tout en privilégiant la qualité de l'interprétation et la personnalité des musiciens. Surnommé affectueusement "Papy" par les gens du métier, Jean-Claude était un homme du sud, affable et jovial, né en 1940  dans la cité papale: Avignon, dont il avait conservé  un accent immédiatement identifiable.
Pour  ré-entendre  l'une de ses  interviews (France Musique -2014) : 
https://www.youtube.com/watch?v=6Qh9krxbTS8
Eclectique dans ses choix musicaux, on l'a pourtant souvent cantonné, et associé, au genre baroque car il en fut le chantre, le pionnier du regain, le promoteur. A cet engagement, il a associé le choix d'instruments anciens pour plus d'authenticité dans  les interprétations.
La Grande Ecurie et la Chambre du Roy: C'est un ensemble emblématique  créé en 1966 par Jean-Claude Malgoire, ayant obtenu une victoire de la musique classique en 1992, et à qui l'on doit  une belle discographie. En 1981 J-C. Malgoire est à la tête de l'Atelier Lyrique de Tourcoing.
https://www.youtube.com/watch?v=c1hpuWh34Ts
Le travail de ce chef d'orchestre, on le sait, ne s'est pas borné à la direction. Le musicien  s'est en effet distingué dans d'autres domaines,  comme celui  de la  recherche de partitions "oubliées", de sonorités particulières à restituer par l'étude, la facture et l'emploi d'instruments anciens. Œuvrant avec des hommes tels que le musicologue A. Geoffroy-Dechaume, le hautboïste Michel Piguet,  fort de ses rencontres avec des musiciens étrangers employant déjà des instruments anciens, et affermi par  la lecture d'ouvrages de référence comme celui d'Arnold Dolmetsch (1858-1940), Jean-Claude Malgoire a poursuivi son but, sans craindre d'innover, de restituer, d'interpréter un répertoire et des œuvres  auxquels  personne  ne croyait vraiment, car on pensait que le public ne suivrait pas.. Le
résultat fut pourtant un éclatant succès, car l'engouement pour le genre baroque ne tarit pas. Au contraire, les suiveurs ont emboîté le pas, et les vocations d'interprètes ne manquent pas, même à l'heure actuelle.
Parmi les productions des compositeurs choisis par J-C. Malgoire: Salieri, Gluck, Mozart,Lully, Haendel, Vivaldi, Monteverdi, Pergolèse... , on trouvera des opéras, et des compositions plus rares, puis,  ce sera un répertoire plus tardif que le baroque, avec des compositeurs du XIXe s et du XXe s, avec par exemple Debussy (en 2015 : Pelléas et Mélisande)
Explication de J-C. Malgoire  au sujet de l'emploi des instruments anciens/ analyse de la nouvelle vision de l'histoire et interprétation  de Pelléas et Mélisande..: 
http://www.classiquenews.com/reportage-video-le-nouveau-pelleas-de-jean-claude-malgoire-a-tourcoing-12/
Si sa célèbre silhouette de patriarche barbu va manquer dans le monde de la musique classique, ce sont également ses engagements, ses encouragements,  qui vont faire cruellement défaut à des générations de musiciens. Jean-Claude Malgoire a définitivement marqué de son empreinte  le monde de la musique.  
Une pièce  incontournable : 
Stabat Mater d' A. Vivaldi ( Ph. Jarrousky / la Grande Ecurie du Roy- direction J-C. Malgoire) 2002:
https://www.youtube.com/watch?v=rME8vtbBGWk

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lundi 16 avril 2018

1768-2018 :250e année de la libération de Marie Durand

De la prison à la liberté : de 1730 à 1768 Marie Serre-Durand aura passé dans sa geôle de la Tour de Constance,  38 années de son existence (née en 1711 - décédée en 1776).  
Post tenebras,sperat lux- 
De l'ombre du cachot à la lumière de la liberté retrouvée, il aura fallu quelques siècles pour que l'on redécouvre le parcours de cette icône du protestantisme  qui force le respect par la fermeté de ses convictions.
Pour en avoir une idée plus objective, et pour dépasser certaines opinions "romantiques" ancrées dans les  mémoires par tradition, quelques éléments de biographie sommaire sont nécessaires à la compréhension du contexte.
http://medarus.org/Ardeche/07celebr/07celTex/durand_pierre_et_marie.html
Si l'on a fait de cette femme une héroïne  de la cause protestante, il faut rappeler  qu'elle fut baptisée catholique, comme Pierre, son frère aîné. La mère ayant été arrêtée, en 1719, sur dénonciation (lors d'une assemblée huguenote clandestine), puis emprisonnée,  les enfants  furent élevés par leur  père : Antoine Durand, greffier, homme lettré connaissant le latin et le grec.
Pour faire pression sur lui, sur son fils, Marie est enfermée dans la Tour de Constance. Elle sert d'otage. Mais en dépit de cette détention le père reste emprisonné au fort de Brescou, où il est entré en 1729.  Le frère, Pierre, prédicant clandestin, est capturé en 1732 et pendu à Montpellier (actuelle allée qui va de la Place de la Comédie au Corum) .   
Photomontage N-L. M. ©
Nommée sous son  patronyme de jeune fille: Durand,  dans l'Histoire, et dans les listes inscrites sur les  registres de la Tour,  Marie  signait elle-même sa correspondance  : "la Durand" puis, "Durand". Or, entrée à la Tour de Constance à Aigues-Mortes  en août 1730,  elle était mariée à Matthieu Serre depuis environ 3 mois. Matthieu Serre, son mari, a été arrêté le même jour que son épouse. Il  fut envoyé au fort de Brescou, où  il a retrouvé son beau-père Antoine Durand. En prison, Marie Durand s'illustre par sa correspondance ( très peu avec son mari, un peu avec son père, beaucoup avec sa nièce Anne, les donateurs des églises étrangères,  et le pasteur Paul Rabaut).  Elle sert de secrétaire à ses co-détenues illettrées ou peu
Photomontage N-L. M. ©
accoutumées à lire ou à rédiger. Dans l'inconfort de la promiscuité, le partage de cette vie d'épreuves, les femmes se lient d'amitié, parfois  durable, entre  certaines.  C'est ainsi que Marie Durand considère  "La Goutète" (Marie Vey-Goutet) comme sa soeur. Libérée en même temps qu'elle, le 14 avril 1768, cette prisonnière partira finir ses jours dans la maison du Bouschet de Pranles, dont on avait arraché Marie, 38 années auparavant. La demeure se visite, elle est devenue un musée du protestantisme. 
Parmi ces malheureuses détenues pour cause de "croyance hors du royaume" (= hors de la religion catholique), quelques-unes ont abjuré pour retrouver la liberté (sous condition de ne pas "retomber en hérésie" ), d'autres sont décédées entre les murs sinistres de la Tour, tandis que les plus fragiles ont sombré dans la démence, et que les plus résistantes, telle Marie Durand, ont tenu jusqu'à leur levée d'écrou, en dépit de maux divers (dont le paludisme, les rhumatismes, le vieillissement prématuré...). Durant le temps de leur détention le nombre des prisonnières variait.  Pourtant une certaine solidarité et un soutien respectif s'exprimaient à travers   la lecture ou récitation de textes issus de la Bible, et par le chant des psaumes.
https://www.youtube.com/watch?v=LJgZVi7zBz0 
Si un  zèle farouche anima certains individus mandatés pour juguler les révoltes et pourchasser les camisards, plusieurs personnalités (Boissy d'Anglas, le Prince de Beauvau,Mme de Pompadour...)    se sont émues du sort de ces femmes détenues dans de telles conditions 
Marie Durand, décédée en 1776,  fut  en butte toute sa vie à des aléas de biens fonciers, d'héritage, de sommes dues à rembourser. Ces soucis terrestres concrets, sa détention, ses problèmes de santé, n'ont pas altéré sa conviction profonde. Si on attribue à sa main la gravure du verbe "résister" sur la margelle du puits central  de la grande salle de la célèbre Tour, c'est  qu'il  résume, dans la mémoire  des Huguenots, le combat moral, psychologique, spirituel,  de toute une vie.  Cela correspond-il à la probabilité historique ? Les historiens continuent de se pencher sur une telle question et sur  maintes autres interrogations qui entourent encore ce tragique épisode de l'Histoire du Languedoc au XVIIIe siècle. 
Pour en savoir plus :

Sur ce même blog

consulter les 3 articles suivants  consacrés à l'Histoire  des  Huguenots et du protestantisme:

- La foi au cœur des Cévennes


-1571-2017 : le Ve centenaire de la Réforme


- Again on this old way to a new life: le chemin des Huguenots

http://international-culture-blog.blogspot.fr/2016/09/again-on-this-old-way-to-new-life-les.html
Cf également les 2 conférences de N-L. Marti 
Photomontage N-L. M. ©
 (avec lecture d'extraits de lettres de Marie Durand par B. Huguet)

à Aigues-Mortes :
/le 3 février 2017 au temple/
- Evocation de Marie Durand (1711-1776)
/le 6 avril 2018 salle N. Lasserre)
- 1768-2018: 250e année de la libération de Marie Durand
et, en projet : à Marsillargues (octobre 2018)

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mardi 10 avril 2018

Kinderspiele, Children games, jeux d'enfants,

Jeux d'enfants- P.Brueghel l'ancien- 1560-
Les  rêves, l'imaginaire, l'innocence, l'insouciance, les jeux,  devraient toujours faire partie du quotidien de l'enfance. Même si c'est un souhait idéaliste, on se plaît à croire que les adultes font le maximum pour le concrétiser... La réalité, hélas,  est, trop souvent,  toute autre.
Au cours des siècles, les peintres ont cherché à saisir ces merveilleux moments de jeux enfantins.
Bruegel l'Ancien, Picasso, Renoir... ont su ainsi  capter des regards, des attitudes, pour les transcrire et les fixer sur la toile, conférant  à leurs tableaux toute la grâce enfantine, toute l'attention sérieuse  non feinte que, seul, un bambin peut mettre à une activité ludique. Attentif, discret, sans voyeurisme, l'artiste se fait alors simple  témoin d'instants très précieux parce qu'éphémères.
Ces diverses figurations se déclinent en maints domaines , de l'étude appliquée (lecture, musique) aux jeux les plus actifs (ballon, jeu de mise en situation,  ou de mimétisme ) 
Jeux d'adresse : Les quilles, le tir, la balle, les billes, le saut à la corde... (cf : les tableaux du peintre André Henri Dargelas: 1828-1906) Quelques-uns de ces jeux ont fait la joie des cours de récréation des XIXe et XXe s.
http://www.peintres-ecouen.com/andre-henri-dargelas/
Equilibre, sport:  Le ballon, la bicyclette, les patins, le cerceau, la balançoire... Parfois par le simple langage, le jeu se met en place lorsque l'enfant commence à maîtriser les situations de "rôles". Mais l'objet transfert (ou support d'activité) est plus volontiers utilisé  par les tout-petits qui ont besoin de manipuler pour adopter la contenance  propre à l'activité choisie.
Travestissement: Se déguiser, mimer, chanter... Changer de statut, évoquer des célébrités, "habiter" , incarner un personnage historique sont des occupations très prisées par les enfants. Le temps du Carnaval n'est pas la seule période où ces pratiques se réalisent.  Dans les romans, on lit fréquemment des pages consacrées à ces
séances de découvertes de "malles du grenier", avec un coffre béant sur un flot de vieux vêtements, et d'accessoires, qui  transforment une après-midi pluvieuse en un moment d'enchantement stimulant l'imaginaire. Alors, pour un  instant, on joue les princesses de contes de fées dans les fripes de grand-mère, et les valeureux chevaliers dans les hardes un peu mitées du grand-père....
Mimétisme (les adultes) : la poupée, la marchande, la dînette , les petites voitures, les bateaux, l'école... L'enfant aime se projeter, par jeu, dans le monde des adultes. Si l'imitation est parfois teintée d'admiration, elle est néanmoins empreinte d'une authentique gravité se reflétant dans des gestes qui se veulent adaptés à la situation. 
Attention, Observation : cache-cache, travaux manuels...
Animaux: Les animaux domestiques sont souvent des compagnons de jeux pour les enfants (parfois aussi des souffre-douleurs). Transferts affectifs, distractions, confidents, ils suivent le rythme quotidien de la maisonnée , mais partagent aussi les repas, les peines, les joies, les câlins, et même, interlocuteurs obligés:  les conversations.  
Musique : Cet art nécessite de nombreuses compétences : application, étude, concentration, maîtrise gestuelle, mémorisation, discipline... Certains  enfants parviennent certes à y exceller ("on joue de la musique" ), mais d'autres peuvent  y trouver également matière à perdre patience et n'en plus supporter les contraintes. 

Du XVIe au XXe siècle, le thème  des enfants dans la peinture  a rencontré un certain  succès. Souvent représentés accompagnant leurs parents, les enfants ont aussi été le sujet de portraits individuels aussi  posés qu'académiques. Cela correspondait à un courant de mode, et à une nécessité familiale.  Mais quelques artistes ont cependant choisi une représentation plus naturelle et plus proche de l'univers quotidien de l'enfant : le jeu. Ces toiles ont ainsi laissé à la postérité de très  touchantes scènes, dont le réalisme ne peut laisser indifférent.
 
En musique :
Robert Schumann: Kinderszene (1838)-13 pièces de l'op. 15-
https://www.youtube.com/watch?v=Pm5FiRfFhZ0
 Georges Bizet: Jeux d'enfants (1871)
https://www.youtube.com/watch?v=chuL2QCKELg&t=14s
Claude Debussy: Children's corner (1908)
https://www.youtube.com/watch?v=ozisMKGGkB8



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